Avec la loi Grenelle I et conformément au paquet énergie-climat adopté par le Conseil de l’UE en 2008, la France devrait porter la part des énergies renouvelables à au moins 23% de sa consommation d’énergie finale en 2020, avec pour objectif d’atteindre 25 000 MW de puissance éolienne. En 2009, le parc éolien français a une puissance de 4500 MW, ce qui le place au 4e rang européen et au 7e rang mondial.
Dans le cadre de l’adoption de la loi Grenelle II, un rapport d’information parlementaire de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur l’énergie éolienne a été publié le 30 mars. Il devait établir un cadre juridique pour l’installation d’éoliennes en France. La mission, présidée par Patrick Ollier, a calculé que pour atteindre les objectifs du Grenelle (10% d’électricité issue du vent en 2020, contre 1,5% actuellement), 9 000 éoliennes contre 2 500 actuellement seraient nécessaires.
Le rapport, présenté par Franck Reynier (UMP) a suscité de nombreuses critiques au point que le co-rapporteur du texte, le socialiste Philippe Plisson, a annoncé sa démission le 19 mars, dénonçant un durcissement de la législation. Les cinq recommandations de la mission feront l’objet d’amendements à la loi Grenelle 2, en examen à l’Assemblée à partir du 4 mai.
« Brûlot anti-éolien », « frein au développement » : les critiques formulées sur le rapport parlementaire sur l’énergie éolienne, publié mardi 30 mars, sont très vives. Philippe Plisson, co-rapporteur (PS) démissionnaire et les commanditaires d’un rapport, visant à développer le secteur industriel de l’éolien, dénoncent un risque de durcissement de la législation.
Schémas régionaux opposables
Premier sujet de discorde, le rapport propose d’encadrer les nouveaux parcs éoliens par des schémas régionaux. Ils seraient préparés sous l’autorité du préfet de région et opposables, ce qui signifie qu’en dehors de ce schéma, aucun mât d’éolienne ne pourrait être installé.
Selon Philippe Plisson, ces schémas vont ralentir le processus d’installation des éoliennes. Huit ans sont déjà nécessaires pour qu’une éolienne sorte de terre. En France, quatre ans sont nécessaires pour l’obtention d’un permis contre moins de deux ans dans le reste de l’Europe, a expliqué le président de France Energie Eolienne et co-initiateur du projet Windustry, Nicolas Wolff.
Pour les élus UMP, l’ennemi n’est pas l’éolienne mais sa dissémination anarchique sur le territoire, poussée par des promoteurs parfois peu scrupuleux. Nous ne sommes pas contre l’éolien, mais pour un développement réglementé et organisé, insiste Patrick Ollier.
Distance et taille des parcs éoliens
Les questions paysagères sont au centre des préoccupations de la mission. Le rapport précise que ce débat ne doit pas être mis de côté car « le paysage reste indissociable de notre identité » et que « l’apport de ce que d’aucuns appellent un progrès technique ne peut plus tout justifier ».
A cet effet, il propose l’instauration d’une distance minimale de 500 mètres entre les parcs de production éolienne et les lieux d’habitation.
Autre sujet de discorde, les parcs éoliens seraient soumis à une taille minimale : un seuil de puissance (entre 15 et 20 MW) et un nombre de cinq mâts minimum afin d’éviter la dissémination anarchique et de simplifier le raccordement du réseau sont proposés. «Cela permet d’améliorer l’acceptabilité des projets », assure Franck Reynier, selon les propos rapportés par Libération.
En revanche, les professionnels contestent ce point : selon Nicolas Wolff, la puissance moyenne des parcs éoliens français s’établit à 15 MW et des petits parcs sont nécessaires car on ne peut pas construire de grands parcs partout. André Antolini, co-initiateur de Windustry soutient quant à lui que la moitié des projets serait perdue si ce plancher était introduit.
Une procédure d’installation classée (ICPE)
Le rapport propose également d’appliquer le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) aux activités éoliennes terrestres. Philippe Plisson s’inquiète de la stigmatisation de « l’image » des éoliennes car il s’agit du régime des sites à risque, type Seveso.
Le rapport affirme s’être « interrogé de l’impact en termes d’affichage. » Mais il justifie ce classement par la nécessité de soumettre « tout mode de production industriel d’énergie à un cadre juridique d’autorisation d’exercice précisément défini et assorti de contrôles de l’administration. » Pour André Antolini, ce rajout est « inutile » car les procédures de contrôle existent déjà.
Si les propositions du rapport sont appliquées, les objectifs du Grenelle devraient être difficiles à atteindre. Nicolas Wolff estime même qu’il « ne voit pas comment l’industrie justifiera un investissement dans l’éolien » si la réglementation est trop stricte. Et ce, alors que 150 entreprises seraient disposées à se diversifier dans le secteur, selon une étude élaborée par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), l’Ademe et Capgemini.
Le lobby des énergies renouvelables contre-attaque
L’étude Windustry France, présentée le 31 mars 2010, vise à structurer et développer le secteur industriel de l’éolien français. Elle conclut que le potentiel de croissance du marché éolien est significatif, que le nombre d’emplois pourrait être multiplié par six et atteindre 60 000 en 2020. Le développement de la filière éolienne permettrait ainsi d’endiguer la baisse de l’emploi industriel en France. A cet effet une plate-forme collaborative « Windustry » a été créée et permettra aux industriels d’échanger des informations.
Selon l’étude, la France a les moyens de développer le secteur grâce à son savoir-faire dans l’industrie lourde qui peut être adapté à la conception des éoliennes.
Le texte précise que la filière devra être accompagnée par les pouvoirs publics. C’est pourquoi les auteurs se sont inquiétés des recommandations du rapport parlementaire. L’accroissement de la réglementation ne va pas dans le bon sens, si l’on veut relancer l’industrie française, selon eux. André Antolini a déploré la faiblesse du volet industriel du rapport, alors que l’on se lamente de la perte de l’industrie en France.
Références
Rapport d'information sur l'énergie éolienne de l'Assemblée nationale, 30 mars 2010
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